Ecrivain extraodinaire je vous conseil " la part de l'autre" voir si dessous et "lévangile selon pilate" deux merveilles
Juste après " peut-on rire de tout ? ", la question « peut-on faire de la fiction avec tout ? » semble toujours promise à un avenir prospère -- la vie de Salman Rushdie, dans les dix années qui ont suivi la Saint-Valentin 1989, l'a clairement montré. Cette interrogation Eric-Emmanuel Schmitt a bien dû l'entendre mille fois déjà. Et mille fois, sans doute, cet écrivain de quarante et un ans s'est plu à répondre, d'une voix ferme ( sans être jamais péremptoire, car telle n'est pas sa nature) : " le romancier a droit à tout." A tout, donc, y compris à faire de Jésus-Christ, de Ponce Pilate et d'Adolf Hitler des personnages de roman, à réinventer l'histoire pour la transformer en décor de romans et à repenser l'idée même de destin. A tout, vous dit-on, bien que jamais de manière gratuite. Pour ce philosophe de formation, qui s'est d'abord fait connaître par son théâtre, le roman se veut, en premier lieu, recherche de sens. Et son écriture, la manoeuvre destinée à extraire une perle de vérité du magma de l'univers.
D'où l'absolue nécessité de regarder le monde, pour tâcher de comprendre, puis de susciter la réflexion chez ses lecteurs. " A mes yeux, dit-il, et dans la perspective de Diderot, le but d'un roman est de semer, de choquer, de déconcerter, de troubler, de faire réfléchir. Comme ces 'meubles à causer' du XVIIIe siècle, " ni beaux ni laids, explique Schmitt, mais qui font parler. Il y a justement un objet chez lui, dans le neuvième arrondissement de Paris qu'il pourrait appeler " à causer " : une porte à caissons renversée qui fait office de table basse et dont l'acquisition lui coûta son premier cachet reçu pour Le Visiteur. Dans cette pièce, qui connut un immense succès, fut jouée plus de quatre ans de suite, se vit traduire comme toutes ses oeuvres théâtrales en très grand nombre de langues et inspira même un opéra, dieuétait déjà de la partie. Reçu chez le bon docteur Freud, qu'il soumettait à la question sur un mode on ne peut plus psychanalytique.
Quelques années plus tard, apparition du Christ, dans l'Evangile selon Pilate ( Albin-Michel, 2000) l'affaire n'avait rien d'anodin chez un auteur qui s'est rendu à l'évidence de Dieu un soir de 1989, au cours d'une ballade solitaire dans le désert. Depuis, Eric-Emmanuel Schmitt est croyant. Ce qui ne signifie pas dévot, ne supprime aucune de ses qualités philosophiques, mais leur permet au contraire de s'exprimer. " Avant cette date, j'écrivais beaucoup, mais j'enfouissais tout. Après, j'ai cessé de n'être plein que de moi-même, j'avais quelque chose à dire. Le monde n'était plus absurde, mais mystérieux. " C'est pour élucider ce mystère qu'il écrit, cherchant à travers chaque pièce, chaque roman, la clé de la nature humaine. Y compris dans ce qu'elle produit de plus monstrueux, comme a voulu le montrer La part de l'autre , le roman dont deux Adolf Hitler sont les héros.
Un texte bien écrit, très habilement mené mais qui laisse parfois le lecteur à distance - comme si celui-ci refusait l'horrible parenté qu'on lui propose, parce que l'auteur lui-même ne l'a pas vraiment acceptée jusqu'au bout.
A lire d'urgence.